Constats sur la situation antérieure et effet du confinement

Les collègues découvrent ce dont ils disposent et ce qu’ils peuvent faire quand ils cherchent, ou qu’une autre personne les informe. L’usage s’est imposé progressivement, la hiérarchie (locale, départementale ou académique) n’a établi aucune règle d’usage hormis les chartes générales d’usage des ENT ou des réseaux.

La communication électronique entre professionnels s’est développée, mais les choix des outils utilisés restent locaux et mouvants d’une année sur l’autre, surtout en fonction des directions. La régulation du fonctionnement a été locale, quelquefois en passant par des excès et des conflits.

La communication électronique avec les parents et élèves restait souvent marginale, à l’exception des mails envoyés aux directions ou aux CPE ou de pratiques particulières d’enseignants. Dans beaucoup d’établissements, seule une minorité de parents et d’élèves avait découvert et/ou avait pleinement compris le fonctionnement des messageries. Avec un nombre annuel réduit de messages, les usages des collègues étaient très divers. Répondre à tous les messages ou à aucun, répondre en fonction de critères fixés individuellement et de manière empirique.

La nature des demandes était très diverse. Une bonne partie était similaire à ce qu’on peut trouver sur les carnets de correspondance. D’autres, qui y étaient rares paraissent plus fréquentes par voie électronique comme les demandes d’explication de résultat à une évaluation. Enfin, certaines demandes ou pratiques inédites sont apparues : demande d’envoi de documents ou de reproduction de page de manuel perdus ou oubliés, demande d’explication d’un énoncé de devoir à faire, envoi de messages en série et rapprochés pour obtenir une réponse … Le contenu de certains messages, leur ton et/ou le moment de la prise de connaissance pouvaient aussi déjà susciter des situations de mal-être chez les collègues.

Avec le confinement, le nombre de parents et d’élèves à même d’utiliser les messageries mises à disposition a énormément augmenté. L’usage se développe et les difficultés qui se posaient de manière marginale risquent donc de prendre plus de place dans le quotidien des personnels.

Du point de vue du métier

Le même constat s’est répété dans plusieurs collectifs et heures d’information syndicale où la question a été abordée les années précédentes : les collègues découvraient les pratiques de leurs collègues. Ils apprenaient que si certains répondaient aux messages, d’autres ne le faisaient pas, qu’il était possible de bloquer la réception de messages ; ils s’étonnaient de la nature des demandes auxquels certains répondaient, du refus d’autres de répondre aux mêmes demandes. Les uns découvraient certains avantages, les autres les difficultés posées par des messages ou des usages de la messagerie.

Cette communication électronique, surtout avec les parents, mais aussi en grande partie entre personnels, était un angle mort pour plusieurs des dimensions constitutives des métiers.

Tout d’abord, il n’existe pas de cadre, de l’employeur ou de la hiérarchie sur l’usage des messageries électroniques. L’excès de prescriptions, les prescriptions ineptes, contradictoires ou paradoxales sont nuisibles. Mais laisser des agents sans cadre peut aussi être source de difficultés pour ces derniers. Ensuite la diffusion lente, à très bas bruit de l’usage, sans débat, et dans une situation de charge de travail et de pressions croissantes n’a pas permis, en général, d’échanges entre personnels sur les outils et leurs pratiques. En fait, il n’y a même pas de visibilité ou de connaissance de ce que font les autres personnels.

C’est-à-dire que le professionnel ne dispose pas de ce que font les autres, ceux qui font le même métier ou des métiers différents qui rencontrent son activité (dans un établissement : enseignants, CPE, infirmière…), que ce soit pour imiter, s’inspirer, mettre à sa main ou même s’opposer.

On peut bien-sûr s’interroger sur la pertinence et l’efficacité d’une position décidée aussi rapidement, le temps d’un repas, face au réel qui recèlera bien des imprévus et des cas particuliers. Il est à prévoir que le « réellement besoin » donnera lieu à des interprétations différentes pour le professeur seul devant son écran. Mais au moins une première étape est franchie. Une situation de travail qui générait de nouveaux dilemmes qui n’étaient vécus que sur un mode individuel a été mise en discussion collectivement. Les collègues sont sortis de l’isolement sur cette question et savent que c’est un sujet qui travaille les autres et dont ils peuvent discuter.

La situation antérieure a donc amené chaque professionnel à construire une pratique en grande partie personnelle dans une relative solitude. Quel volume de travail ? Quelle fréquence est acceptable ? Quel délai de réponse ? Quelles demandes et échanges sont légitimes professionnellement ? Eventuellement, il a été possible de puiser dans des habitudes ou expériences différentes et antérieures, opérer des transferts… Mais un certain nombre de situations sur lesquelles des militants ont pu intervenir montre que les collègues sont inégalement armés.

Avantages et risque de la communication électronique

Si des collègues investissaient ce mode de communication, c’est qu’ils y voyaient des avantages comme résoudre des questions ou problèmes plus vite, éviter des rendez-vous, trouver un temps d’échange individuel, difficile à trouver en classe, avec des élèves… Dans les avantages qui sont souvent mis en avant, on se rend compte qu’il s’agit souvent de soulager la pression temporelle qui résulte de l’intensification de travail et de la hausse des effectifs.

Quelques risques :

  • Augmentation du temps de travail invisible et solitaire devant écran : augmentation du nombre de messages électroniques envoyés par les parents et les élèves, et donc augmentation du temps nécessaire pour y répondre (lecture, traitement, rédaction des réponses).
  • Augmentation de la fréquence des connections, par peur de rater une information
  • Multiplication de malentendus, de tensions, voire de conflits avec des messages ratés, mal compris, avec la confusion oral/écrit propre aux mails…
  • Déséquilibre entre vie personnelle et vie professionnelle
  • Marginalisation de la vie scolaire du fait de la multiplication des échanges directs

Etc.

Comment agir collectivement ?

L’objectif est de se préserver. Un mot d’ordre possible : Préservez-vous et faites-le collectivement si c’est possible. Mais repartir d’un temps d’échanges avec un ensemble de règles à respecter, même décidées librement et collectivement, n’est pas le meilleur moyen. Comme d’habitude, dans la réalité, le respect des règles ne permettra pas de résoudre toutes les situations. On fera des exceptions. Ne pas envoyer ou ne pas consulter les messages après une certaine heure ! Oui mais il y a des urgences. Ne pas répondre à tel type de sollicitations ! Oui, mais cette fois l’élève est dans une situation particulière… et le suivant aussi. Peut-on envisager de n’utiliser que les carnets de liaison pour communiquer avec les familles ? À débattre.

La discussion collective doit fournir des ressources, pas des contraintes supplémentaires qui donnent l’impression de transgresser quand on s’adapte. Ce qui aidera c’est d’inciter les collègues à échanger sur ces situations réelles. Qu’ils puissent se faire une idée de ce qu’ils font les uns les autres, des risques, des avantages… Accéder à la variété des expériences permet aux collègues de nuancer leur opinion souvent fondée sur leur expérience immédiate. Entendre un collègue exposer des difficultés réellement vécues vient appuyer utilement un exposé théorique sur les risques en matière de santé au travail.

Dans un second temps, une équipe peut faire remonter collectivement les difficultés rencontrées à sa direction et aussi, si elle est en mesure de le faire, avec une connaissance de ce que font les uns et les autres, essayer de se mettre d’accord sur des principes généraux qui préservent tout le monde.

Bienvenue sur l'espace pratiques professionnelles du SNES-FSU

Le SNES-FSU propose des des outils, des analyses, des références, pour réfléchir à ses pratiques, décrypter votre quotidien professionnel. Vous trouverez sur ce site des témoignages, des travaux de chercheurs, des analyses des pratiques professionnelles etc.
Des remarques, des questions ?
Contactez nous : contenus@snes.edu et metier@snes.edu