La technologie est une dimension essentielle de la culture commune qui permet d’appréhender le monde dans toutes ses complexités. L’accès à une « culture technique » devrait être garanti à tous.

Si la technologie est une discipline d’enseignement, et de recherche, au même sens que la philosophie, la sociologie…, son objectif est l’étude des outils et des techniques. Cette étude ouvrant sur un champ culturel généralement appelé « culture technique ».

Technique et technologie

Pour Christian Forestier, la technologie est « l’ensemble des disciplines qui étudient les ”systèmes artificiels” » en précisant que « c’est aussi l’étude des techniques que l’homme met en œuvre pour concevoir, fabriquer et exploiter les systèmes qu’il crée »1.

Ce à quoi le SNES-FSU répond : « La culture technique est l’un des modes d’accès au sens de la société moderne. Elle implique l’acquisition et l’explicitation d’une démarche spécifique intégrant la conception, la réalisation et l’usage des objets et des services. Le produit technique peut être matériel ou immatériel. La culture technique implique la compréhension des liens entre la technique et la culture d’une société. Elle est résolument tournée vers l’évolution de la société, ses besoins, ses problèmes, son organisation, ses avancées… »2.

Pour Bernard Descomps3 « La technologie qualifie l’analyse, la conception et le développement par l’homme de fonctions ou d’objets dont les performances et le comportement sont explicités et maîtrisés et qu’on intègre pour mettre à disposition un produit ou un service ».

Il met en garde contre une approche abstraite : « Mais attention ! Voilà qui deviendrait un sabir inaccessible si on y parvenait dans une approche abstraite : en revanche, le message s’éclaire à partir des pratiques et surtout, de l’invocation répétée des mêmes concepts dans différents domaines ».

Il reconnaît la nécessité « d’assurer la maîtrise d’une base technologique suffisamment approfondie dans un domaine, condition première pour travailler de manière autonome et de cultiver un savoir transmissible ».

Culture technique et technologie sont ainsi positionnées dans la société, avec les interactions définies sous formes de « pratiques sociales de référence »4 ; les productions industrielles ou artisanales, les activités domestiques et de l’étude de la production des biens et des services susceptibles de satisfaire un besoin.

Mais, historiquement « l’idée de la culture technique est associée au développement de l’enseignement technique. Ce sont d’abord les humanités techniques, qui apparaissent dans ces termes, aux environs de 1930, au moment de la création de l’enseignement technique. Les humanités techniques sont un slogan pour situer l’enseignement technique dans le cursus scolaire permettant d’assurer le positionnement de la culture des ouvriers (notamment) qui acquièrent des qualifications, et une haute reconnaissance.5 » 

« Dans les années 1960, il y a une phase de la culture technique de la modernité où on reprend l’humanisme technique. On va penser la technique et reconnaître l’intelligence et la pensée technique. Dans les années 1980, domine le mouvement de culture technique et qui est porté par la revue Culture technique dont le premier numéro est “Le manifeste pour la culture technique”. Il a pour objectif une culture patrimoniale et historique, une culture citoyenne, une culture de contrôle social et de distanciation critique par rapport à l’évolution du monde technique. »

La culture technique est d’abord une somme de connaissances, compétences, savoirs, pour satisfaire par une réalisation la satisfaction d’un besoin.

Elle s’appuie donc sur l’ensemble du cycle de vie du produit, de l’expression du besoin à la fin de vie du produit, son recyclage, en passant par la conception, la réalisation, la maintenance, le recyclage. Tout schéma qui d’un point de vue culturel ne s’appuierait pas sur l’ensemble du cycle de vie, serait orphelin d’une partie de sa structure. 

La technologie est une démarche ; la démarche de projet, qui compte tenu de la difficulté à modéliser des systèmes de production de biens et de services, amène à confronter les élèves, étudiants, adultes en formation, à des situations d’apprentissage qui reproduisent les systèmes de productions des entreprises ou des organisations. C’est par la confrontation avec la réalité des systèmes techniques que l’on peut appréhender les concepts nécessaires à leur compréhension, et en tirer des savoirs transférables à d’autres situations d’apprentissage ou de travail. La démarche technologique permet l’acquisition de savoirs, connaissances et la mise en œuvre de compétences.

Une culture ancrée dans la réalité

Analyser des besoins, pratiquer une démarche de projet, savoir travailler en équipe, pouvoir décrire la réalité (pas seulement avec des mots), communiquer sont des éléments de ce qui devrait être la culture commune ; mais cela n’épuise pas les rapports entre culture technique et culture commune.

Le contexte culturel, économique, social, environnemental est profondément marqué par les techniques. Il n’est donc pas possible d’accéder à une compréhension même réduite de ce contexte sans un minimum de culture technique.

Le citoyen actif dans une société démocratique devrait par exemple pouvoir juger de la pertinence des mesures de sécurité alimentaire, de la pertinence de notre modèle de consommation dans les pays développés ; comment intervenir dans le débat écologique, comment assumer toutes ses responsabilités de citoyen, sans une culture technologique de base ?

Les activités personnelles en plein développement (activités sportives, culturelles, de loisir) mettent de plus en plus en œuvre des technologies très diverses, dont la maîtrise serait nécessaire pour pratiquer ces activités, y prendre plaisir et s’y épanouir.

Sans culture technique, nous subirions impuissants des évolutions, des soi-disant progrès, améliorations, dont la pertinence est trop rarement questionnée.

Culture et production de services  La culture technique liée à la production de services, par son caractère « immatériel » a toujours été plus difficile à percevoir que celle liée à une production industrielle. Pourtant l’immatérialité ne signifie pas irréalité. Le service rendu est bien réel. […] La production de services repose sur les personnes qui la mettent en œuvre et qui, pour cela, doivent mobiliser connaissances, compétences et techniques. Si celles-ci sont assez facilement repérables et connues, si les résultats sont mesurables plus aisément sur des services tels que la coiffure, la restauration par exemple, il n’en est pas de même pour certains services qui pourtant font appel à des techniques, savoirs et savoir-faire bien spécifiques mais plus méconnus comme les services dits « à la personne » ou le médico-social. Pourtant, tous ces services contribuent pleinement au bien-être social. Même les services dits « commerciaux », les plus connus lorsqu’on évoque le secteur dit « tertiaire » et prépondérants en termes d’emplois, sont interrogés aujourd’hui. Après le tournant de la « mercatique » des années 1980 qui a amorcé la phase d’une remise en cause de « la création du besoin par l’entreprise », le besoin dit « de bien-être » est aujourd’hui posé de façon récurrente et s’impose aux stratégies d’entreprises. De fait, la production de services doit tenir compte de ces évolutions sociétales. Cela alimente la culture technologique liée aux services, rend nécessaire de l’enrichir pour répondre aux évolutions des besoins. La satisfaction du besoin lorsqu’elle est interrogée dans sa dimension humaine donne lieu à l’émergence d’une nouvelle production de services dont l’économie sociale et solidaire est une illustration. Cela montre avec quelle force les services peuvent exploiter et générer de la culture au service du progrès social.
Sylvie Obrero, professeure d’éco-gestion, secteur Contenus du SNES-FSU

1. Propositions pour rénovation de la voie technologique au lycée, Christian Forestier, juin 1999

2. La voie technologique : un trésor est caché dedans, SNES-FSU, décembre 1999

3. Une nouvelle ambition pour la voie technologique au lycée. Bernard Decomps, juin 2001

4. Jean-Louis Martinand, 1986

5. Joël Lebeaume, colloque SNES-FSU, « Une culture technique pour toutes et tous », novembre 2018


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