« Je n’y arrive pas. Donc c’est culpabilisant. »

Au cours des échanges, Estelle ne peut s’empêcher de se sentir en défaut sur les aménagements qu’elle ne parvient pas à mettre en place pour les élèves à besoins éducatifs particuliers . Elle est pourtant la seule en REP+, et les collègues présentes ont manifesté de diverses manières et de multiples fois qu’elles considéraient ses conditions d’exercice comme plus difficiles que les leurs. « Je n’y arrive pas quoi. Je n’y arrive pas. Donc c’est culpabilisant. Donc, j’essaie d’adapter plutôt dans ma notation. J’essaie de ..De mettre en valeur ce qui était bien dans leur copie, de.. Mais après… Voilà. Les dyslexiques, j’enlève des questions parce que ça ce n’est pas compliquée. Mais après, je n’arrive pas à faire autant de différenciation [que d’autres collègues qui se sont exprimés avant], ça c’est sûr. »

Pourtant, à d’autres moments elle témoigne de la mise en place d’aménagements qui demandent du temps, de l’anticipation et des manipulation diverses. « En fait quand il y a un cas un peu grave, on y pense plus facilement. Moi j’ai eu une élève malvoyante il y a trois ou quatre ans. Et il fallait qu’on envoie les séquences 2 ou 3 semaines avant à son référent qui lui scannait tout et qui grossissait les documents. On se retrouvait avec des trucs tout le temps énormes et tout ça. »

Dans le cadre du collectif, avec des gens du métier, elle peut aussi prendre plus de distance : « Cela je l’ai fait, mais c’est vrai que quand il y en a beaucoup après, et des profils différents. Et le problème de l’inclusion aujourd’hui, telle qu’elle est présentée, c ‘est que c’est un bien pour les élèves, sauf que ça se fait à moyens constants, ou je dirai même à moyens dégradés avec des AESH mutualisées. Et que nous on a envie de bien faire mais on est pris, on est pris par le temps. Moi je n’arrive pas à faire autant. »

Là encore, il convient de ne pas en faire le problème personnel d’Estelle qui n’arriverait pas toujours ou pas assez à prendre du recul, à reconnaître le travail qu’elle fait et aussi à s’y reconnaître. Ce genre de propos et de sentiment d’avoir quelque chose à se reprocher sur le suivi des prescriptions pour les élèves à BEP est bien trop répandu. Quelles sont les situations et les mécanismes qui conduisent des personnels qui font ce qu’ils peuvent, souvent déjà beaucoup, dans des conditions difficiles, à se sentir insuffisants ? Adèle, dans le même collectif mentionne un de ces éléments : « Notre principal nous a dit de faire très attention, que si on ne respectait pas, on pouvait être… Les parents pouvaient… nous… se retournaient contre nous etc. Dans la mesure où il y a un doc MDPH. »

« en tant qu PP… »

Plus tard, Estelle révèle d’autres éléments qui la touche en tant que professeure principale : « Alors après ce qui est dur en plus c’est que quand on envoie les bilans aux collègues des PPRe passerelle parce que moi j’ai des collègues qui disent « C’est pas la peine de m’envoyer des mails, moi je ne peux pas le faire » donc euh, nous en tant que PP il faut transmettre les infos. Bon on a des collègues qui n’ont pas envie qu’on leur transmette. Le rôle de PP je trouve que ça devient difficile pour ça. Je trouve que la charge devient dure. Qu’on est au centre de choses qui nous dépassent de plus en plus. Moi là, pendant le mini confinement, j’ai eu le papa de mon élève qui a été remis en HP pendant 2 heures en pleurs au téléphone. Moi je pense que PP ça devient très dur à gérer. Parce que à gérer, la différenciation de tous ces élèves. (silence). C’est dur. On est un entre le marteau et l’enclume quoi. »

A un autre moment, au sujet de prescriptions qui demandent d’expliquer individuellement oralement les consignes et de s’assurer de leur compréhension auprès de plusieurs élèves dans une même classe, avec d’autres élèves qui peuvent avoir des profils difficiles, Estelle dit aussi : « Les parents, après on essaie de leur expliquer que ça ne sera pas possible. »

Cette collègue n’en fait-elle pas asse ou pas suffisamment bien comme elle le croit parfois ? Ou la situation dans laquelle la place ceux qui organisent son travail est-elle truffée d’obstacles qui ne peuvent pas être tous surmontés en même temps ?

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