« Mais la dernière fois, les questions que j’avais barrées, il les a faites quand même et il s’en est très bien sorti. »

La même question qu’à Reims (« Mais dans ma classe j’ai du mal à adapter » ) sur la capacité à adapter systématiquement les évaluations a été abordée.

Dominique apporte une première réponse : « Cette année c’est facile, je n’en ai que deux [élèves pour lesquels des aménagements sont demandés]. Comme ils sont suivis par l’AESH, je me souviens que pour les éval, il faut que j’en donne moins. » Mais une collègue lui demande de préciser : « Et quand tu dis « je me souviens », en fait, tu te souviens quand tu prépares l’évaluation ou quand tu la donnes ? » Elle précise donc : « C’est souvent quand je la donne, ou que j’ai fait des photocopies…Je sais que les dernières… les dernières questions … ça va être … un peu en sixième une question de synthèse. Bon, ben là, je lui dis, il y a eu une évaluation hier, si tu n’as pas le temps de la faire, tu ne le fais pas. Et après j’adapterai le barème. » Mais elle aussi peut s’interroger sur la pertinence des choix qu’elle fait seule : « Mais la dernière fois, les questions que j’avais barrées, il les a faites quand même et il s’en est très bien sorti. » Aux questions précises sur l’adaptation du barème, elle répond : « ce que je fais, c’est que s’il a une note, au lieu de l’avoir sur 20, je le note sur 17, et il va avoir sa note sur 17. »

« Non, je n’enlève pas les questions de compréhension des docs.»

Estelle, qui enseigne l’histoire géographie dans un collège REP+, évoque ce qu’elle fait face à la prescription d’un temps plus long pour les devoirs : «  je me dis qu’il faut sur un contrôle d’une heure l’équivalent à peu près de 4 ou 5 points [à retirer]et du coup j’essaie de garder la proportion des trucs que j’évalue. Si j’avais prévu par exemple d’évaluer 10 repères spatiaux j’enlève 2 repères, si j’avais mis trois définitions j’en enlève une donc j’essaie de garder pour que la note soit tout de même équivalente à celle des autres. » Mais comme on lui demande, elle confirme que pour les dyslexiques elle ne retire pas d’office les questions sur un texte à lire : « Au contraire. Pour les dyslexiques, non. C’est pas ça que j’enlève. Après bon. Déjà si c’est un peu long ou quoi, je lui dis si ce n’est pas rédigé ce n’est pas grave. Alors qu’avec les autres, je veux qu’il y ait des phrases à chaque fois. Non, je n’enlève pas les questions de compréhension des docs. » Mais des collègues disent qu’ils retirent ces questions pour ne pas mettre ces élèves en difficulté en leur imposant trop de lecture.

Donner les consignes à l’oral ?

A d’autres questions sur la manière d’indiquer aux élèves concernés qu’ils n’ont pas besoin de rédiger, elle indique d’abord qu’à ce stade de l’année, ils ont intégré, qu’ils savent et qu’elle n’a pas besoin de leur rappeler. Mais l’idée d’aller voir individuellement les élèves en cours d’évaluation lui rappelle autre chose : « Mais après c’est vrai que … cette année j’ai moins de 6°, mais je ne sais pas si vous avez ça aussi. Mais nous on n’a les PPRE passerelle, les élèves qui arrivent de CM2 avec des profils particuliers. Moi ça fait 6 ans que je suis dans ce collège, 6 ans que je suis PP de 6°, l’an dernier sur mes 23 élèves de 6° j’avais 9 PPRE passerelles. Donc 9 élèves avec des profils plus ou moins compliqués, des dyslexiques, des violents, des élèves qu’il faut oraliser la consigne et ça c’est compliqué. Moi par exemple l’an dernier, j’avais 4 élèves [il] fallait leur expliquer individuellement et oralement la consigne à chacun comme si c’était possible sur une heure de cours, quoi. Enfin ! » Mais l’animateur du collectif insiste : « Tu faisais comment ? » Après un silence, elle répond : « Ben je ne faisais pas, hein, honnêtement. » L’animateur sait cependant que les enseignants ne s’abstiennent complètement d’une tâche qui leur est donné que dans des circonstances exceptionnelle, il demande donc confirmation: « Du tout ? ». Et le réel affleure un peu, après le discours : « Un peu, ou quand on voit, quand on laisse le travail en autonomie on va les voir eux et on réexplique ponctuellement, mais on ne peut pas le faire.. euh… à chacun réexpliquer à l’oral ce qu’on leur demande. » Comme souvent,les « on ne peut pas », « je ne fais pas » ou les « c’est impossible » cachent le réel : ce qui est fait malgré tout et qui demande de l’énergie pour un résultat qui ne satisfaisait pas. Ces réactions ne décrivent que très rarement une absence de tentatives, de réflexion ou d’effort. Elles expriment davantage l’idée que ce qui est demandé n’est pas réalisable selon les critères de qualité du professionnel, les siens et ceux du métier ; ce qu’on est obligé de « faire » quand même, « c’est pas du boulot ! » comme le dit l’expression populaire.

 

Autour de la table, pas de jugement. Les collègues sont du métier. Ils se voient dans leurs classes de 30 élèves, où certes il y a les élèves à BEP (d’ULIS, avec un PAP…) mais aussi des élèves distraits, fatigués, avec des lacunes, agités, caractériels, vifs, en demande ou en retrait, qu’ils soient dyslexiques ou ordinaire finalement, et l’activité à mener, le matériel à faire fonctionner…Aller voir 4 élèves individuellement et avoir le temps de leur oraliser individuellement et efficacement des consignes serait plus facile dans une classe vide. Donc dans un contexte où le rythme peut être intense, la confrontation aux obstacles est souvent vécue dans la solitude. L’insatisfaction de ce qu’on est empêché de faire se transforme alors trop souvent en culpabilisation.

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